Interview sur Radio J : « On a traversé bien des nuits dans l'histoire, et on a toujours vu l'horizon se lever. »
Delphine Horvilleur était l’invitée de Cyrielle Sarah Cohen le 14 Mars 2024 sur Radio J. Parmi les sujets abordés : le sentiment de trahison de certains alliés, l'importance de la diversité des voix au sein du peuple juif, la montée de l'antisémitisme sous couvert d'antisionisme, et la solitude ressentie face à l'abandon de certains groupes, notamment des féministes et d'une partie de la gauche.
Extraits choisis
07:13
J'ai le sentiment, encore une fois comme beaucoup d'entre nous, que des gens que je considérais comme des alliés hier ont été absents ou silencieux, voire se sont transformés aujourd'hui en porteurs d'hostilité ou de discours mortifères ou dangereux.
9:33
Je porte toutes ces casquettes, mais je trouve qu'il faut faire très attention aujourd'hui à un discours de porte-parole. Je pense que notre grande force au sein du peuple juif, encore aujourd'hui et particulièrement aujourd'hui, c'est de parler avec des voix plurielles et de continuer à ne pas être nécessairement d'accord les uns avec les autres.
On pourrait voir ça comme une vulnérabilité, mais je crois que c'est le contraire. Je crois que c'est notre force de pouvoir entendre des voix contraires, de laisser parler des avis divergents, et qu'aucun d'entre nous ne puisse dire : 'Je parle au nom du nous et du collectif.’
17:51
Beaucoup de gens essaient de masquer, on le sait, l'élément de haine anti-juive derrière une attaque en règle du sionisme. Mais en fait, cela ne trompe personne. Comment expliquer dès lors l'explosion exponentielle des actes et des menaces antisémites dans notre pays ?
38:43
Je pense qu'on est dans une nuit obscure, dans un tunnel dans lequel, heureusement, on n'est pas seuls. On a bien des alliés, et des alliés de qualité. Mais on a aussi des gens qui nous ont abandonnés ou des gens qui ne sont pas à nos côtés, même si on a cru hier qu'ils étaient là.
J'ai en tête, effectivement, une partie de la gauche. J'ai en tête, particulièrement parce que le 8 mars n'est pas loin derrière nous, les féministes, des gens aux côtés desquels on a mené des combats et qui, soudain, sont absents.
Ils ont choisi le camp d'une matrice de lecture complètement erronée et simplifiée du monde, des dominants, des dominés, des forts et des faibles, dans laquelle nous serions condamnés à être du côté des forts et du mal, et de ceux qui n'ont pas besoin d'être aidés ou soutenus.
Donc, il faut simplement se préparer à cette traversée obscure, à cette guerre d'une certaine manière, à ce combat. Mais l'histoire juive nous l'a enseigné : on a traversé bien des nuits dans l'histoire, et on a toujours vu l'horizon se lever.
Donc, il faut s'armer de ce même courage, inspiré par ce qu'ont traversé nos anciens, nos ancêtres, et se dire que nous aussi, à chaque génération (le 'Holdor Vador'), il faut se reconnecter au combat du passé et savoir que nous aussi, on fera venir l'aube.
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