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Delphine Horvilleur : « En Israël comme en Palestine, une forme d’idolâtrie annihile tout esprit critique »

 

Article original (réservé aux abonnés)

 

Extraits

«Si le nom d’Israël suscite les passions, la plupart des gens n’ont aucune idée d’où il vient et pensent qu’il s’agit du nom d’un pays. Or, dans la Bible, Israël est le nom d’un homme. Celui du patriarche Jacob, qui ressort victorieux de sa lutte contre un ange qui lui donne le nom d’Israël. Mais s’il a gagné son combat, Jacob-Israël demeurera boiteux pour le restant de ses jours. L’histoire d’Israël dans la Bible, c’est donc la conscience qu’on ne sort pas indemne des combats qu’on a menés dans l’existence, qu’il faut apprendre à vivre avec tout ce qui claudique dans nos vies.

Or, l’Etat d’Israël s’est construit sur un narratif de force qui l’a mené – en particulier l’actuel gouvernement – vers une hubris de pouvoir. En galvanisant les extrêmes, ce narratif de puissance menace aujourd’hui son avenir. »

 

«La mort de tous ces enfants et innocents est un drame absolu. Il ne faut jamais cesser de le répéter. Il faut regarder tous ces visages de victimes et y voir nos enfants. Pourtant, à chaque fois qu’on m’interroge, je sais que, quoi que je dise, ce n’est pas suffisant pour mon interlocuteur. En tant que juive, pour apparaître légitime, je dois commencer mes phrases en rappelant à quel point la situation à Gaza est terrible, avant d’évoquer la douleur israélienne, elle aussi insupportable. Notre langage est comme pris en otage, lui aussi parasité par les passions, et on voudrait en permanence que je somme je ne sais qui que tout s’arrête immédiatement…

Mais il y a quelque chose de lâche et troublant dans cet appel au “cessez-le-feu et puis c’est tout”. Je veux bien appeler au cessez-le-feu. Qui ne voudrait pas que le feu cesse ? Mais tant que le Hamas continue de dire qu’à la moindre occasion il fera un nouveau 7 octobre, comment poser la question de la sécurité de tous ? La solution politique appelle à se soucier simultanément des uns et des autres. Pour cela, il convient d’abord de lutter contre nos propres extrémismes, nos pyromanes et de ne pas faire comme si nous n’avions pas, chacun, une responsabilité dans leur émergence.»

 

« Je ne crois pas que la solution viendra des généraux ou des politiques, mais davantage des poètes, de ceux qui ont la capacité de construire par leurs mots d’autres possibles. C’est pourquoi mon livre s’ouvre avec un poète palestinien et se termine avec un poète israélien. Ils sont ceux qui m’aident à croire encore.»

 

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